Noël Herpe

Dissimulons !

récit

collection Les Invraisemblables

80 pages, 11 euros

15 septembre 2016

 

 

 

 

 

REVUE DE PRESSE

Le blog de Fabien Ribery, 22 janvier 2017

La marquise ne sort plus à cinq heures, mais à minuit

propos recueillis par Fabien Ribery

 

(...) Votre pratique de diariste est-elle bien antérieure à la publication de ce livre ?

En fait, je suis assez incapable d’écrire autre chose que sous la forme d’un journal, ayant moi-même été journaliste-pigiste à Libération, puis à Positif, etc. J’ai d’ailleurs repris un certain nombre de mes articles dans le livre intitulé Journal d’un cinéphile publié chez Aléas en 2009. Le journal est la formule qui me convient le mieux, même si elle passe pour désuète, je ne sais pas pourquoi d’ailleurs. Hormis Thomas Simonnet chez Gallimard, qui est un éditeur exceptionnel, si vous vous présentez chez un éditeur avec l’intention de faire publier votre journal, vous serez immédiatement reconduit à la porte. Dans les années 50, qui est une période que j’apprécie beaucoup, les Julien Green et André Gide publiaient leur journal après avoir été célébrés pour leur œuvre romanesque. (...)

 

Dissimulons ! n’est d’ailleurs pas un journal. Vous êtes donc capable d’écrire sous une autre forme.

Oui, mais c’est avant tout le fruit d’une commande. J’y étais contraint et forcé, avec le couteau sous la gorge. Quand Florent Georgesco m’a demandé de faire ce livre, j’ai d’abord accepté puis renâclé devant l’épreuve que constitue l’écriture d’un récit autobiographique. Finalement, je lui suis très reconnaissant de m’avoir forcé la main et la plume, même si je ne le referais peut-être pas spontanément. Ma nature me porte plutôt vers les écritures fragmentaires, erratiques. Chaque fois que je me suis lancé dans un projet de récit, je me suis très vite ennuyé. Avec Dissimulons !, c’était spécial, puisque c’était un livre très court, écrit en un mois sur un thème très précis. Je ne me vois pas écrire un livre foisonnant avec quantité de personnages, et en même temps je n’y crois pas trop. Quand je vais en librairie, le roman français ne m’intéresse pas énormément. Je peux aimer des écrits expérimentaux, ou autobiographiques, mais en tant que Français j’ai du mal à croire qu’on puisse encore écrire, même si d’autres l’ont dit avant moi, « la marquise sortit à cinq heures ». De telles formules ne sont plus de notre âge, cher monsieur. Cependant, je pense que le cinéma n’a pas encore épuisé son pouvoir de fiction. Quand je fais des films, à mon modeste niveau, j’ai plutôt envie de raconter des histoires. (...)

 

Dissimulons ! est construit comme une satire du milieu universitaire de province, pensée comme une succession de scènes.

En effet. Ce qui m’intéresse dans la vie est la théâtralité, l’état d’esquisse, les petites choses que l’on voit dans la rue, et que j’ai d’ailleurs retranscrites dans Objet rejeté par la mer. Le fictionnel à l’état latent me plaît beaucoup, sans que je ressente le besoin de m’y appesantir. C’est pour moi une manière ludique d’appréhender la vie. (...)

La Nouvelle Quinzaine littéraire, 1er décembre 2016

Sous le manteau, le rêve

par Diane Arnaud

 

Dissimulons ! dresse avec finesse et subtilité le portrait d'individus rejetés par une société bien-pensante et malveillante. L'écriture épurée de Noël Herpe parvient surtout à libérer les puissances oniriques et romanesques cachées dans la réalité. Car le regard porté sur ces hommes persécutés et persévérants fait œuvre de reconnaissance.

 

C'est un film qui ouvre le bal des exclus : Panique, l'adaptation libre du roman de Simenon par Julien Duvivier au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Michel Simon interprète avec une sobriété bouleversante le rôle de monsieur Hire, un mal-aimé du quartier, parce que son apparence disgracieuse, son attitude en retrait, le détachent visiblement du lot ; et parce que, incidemment, il est juif. Noël Herpe, grand spécialiste du cinéma français classique, commence par cet exemple édifiant pour donner à la fois le ton, la teneur et la raison d'être de son nouvel ouvrage. Dissimulons ! agite le spectre du meurtre social. Car Panique se clôt sur la chute accidentelle du haut des toits du héros, accusé à tort et traqué par la meute. L'exécution sur la place publique épouse une trajectoire fatale : le bouc émissaire choit, poussé malgré lui vers un faux suicide.

La caractérisation des personnes réelles côtoyées ou croisées par l'auteur renvoie à ce modèle tragique. Romaric, enseignant-chercheur, et Guillaume, éducateur sportif, sont des parias montrés du doigt sur le trottoir d'en face, dans les couloirs de la fac, par respect de la bienséance ou "dans l'intérêt du service". Ils incarnent à eux seuls les pires appréhensions, à peine avouées, de leur milieu universitaire et provincial : s'affranchir de la directive votée en conseil, s'habiller en femme pour s'occuper d'enfants. Noël Herpe, lui, regarde ces vieux garçons ostracisés avec une tendre lucidité, sans céder à la complaisance ou au sentimentalisme, si ce n'est de biais. (...)

L'observation factuelle n'a pas seulement pour visée de dénoncer ou de défendre, mais bien davantage de démonter, de fil en aiguille, une mécanique complexe, intriquant provocation et persécution, dans laquelle l'auteur est personnellement impliqué. Dissimulons ! approfondit la veine introspective de ses journaux intimes, à la croisée des expériences vécues et des rêves de fiction. La fascination pour le travestissement n'est pas nourrie par une revendication militante, communautaire, identitaire. Cette aventure existentielle cherche à exhiber la rêverie et le spectaculaire dans le creux du quotidien. (...)

Noël se rappelle le souvenir de son père abîmé, rentrant ivre au petit matin, et la métaphore biblique du manteau de Noé. "Je n'ai jamais tout à fait renoncé, confie-t-il, à soulever les coins du manteau." Les portraits de ses nouveaux complices prolongent la figure magnifique de la déchéance, déjà érigée dans Journal en ruinesDissimulons ! perce à jour la splendeur de l'échec et consacre la victoire dans la mise à l'écart, quand le sursaut advient. Cet élan ne va pas sans crainte. Surmonter la peur de la sanction sociale, certes, mais surtout faire avec une force de destruction ancrée, déposée, à l'intérieur de soi. Noël Herpe, homme et artiste, soulève le manteau du père et retourne la malédiction mélancolique comme un gant. Ce geste fantasmatique est à l'origine de cet espace de jeu, enfantin et aventureux, qu'il a su créer par réaction avec ses compagnons de route : affichages interdits, chemins de traverse, échanges de regards. Pour se reconnaître furtivement l'un dans l'autre, sans jamais se conformer.

Blog Manœuvres de diversion, 21 septembre 2016

La carte postale du jour

 

"Les dégénérés ne sont pas toujours des criminels, des prostituées, des anarchistes ou des fous déclarés ; ils sont maintes fois des écrivains et des artistes."
Max Nordau, Dégénérescence

 

(...) C'est bien normal que Noël Herpe commence son récit en citant des films, c'est sa spécialité, on lui doit notamment une biographie d'Eric Rohmer, co-écrite avec Antoine de Baecque. Mais ce qui est étonnant, c'est que ce texte au penchant autobiographique qui aurait pu nous faire hausser les épaules et soupirer quelque chose comme "encore une autofiction à la petite semaine", eh bien ce texte dissimule en lui les germes de ce qui fait un grand écrivain, celui-là même qui vous emmène là où vous ne pensiez pas aller et qui repense la littérature et la fiction (et le cinéma dans le cas). Ainsi, tout en nous faisant profiter de sa culture sans pédanterie aucune, Noël Herpe se dévoile dans un récit qui débute par ses années d'enseignant à Caen, en compagnie d'un "Don quichotte au pays de Flaubert" comme il le dit si bien, pour se terminer par un strip-tease de l'âme, escorté cette fois dans cette plongée en eau sombre par des hommes qui, comme lui, s'habillent en femme dans un monde qui ne veut pas de leur étrangeté. Impossible de ne pas penser à Laurence Anyways, le film de Dolan, dont l'atmosphère est proche, mais reste aussi cette plume dont la beauté brille dans le nuit solitaire des êtes en marge qu'elle décrit... Ce livre est mince, certes, mais le poids des mots est là et la littérature ne pourrait pas mieux s'en porter d'ailleurs. Formidable.

Le Figaro, 16 septembre 2016

Prix Décembre, quinze livres sélectionnés

par Astrid de Larminat

 

La liste du prix littéraire, qui sera remis le 7 novembre, mêle auteurs en vue et nouveaux talents.

 

Les jurés ont rendu public jeudi soir le nom des auteurs qu'ils ont sélectionnés cet automne. Le Prix Décembre est très convoité par les écrivains notamment parce qu'il est l'un des mieux dotés de cette rentrée automnale. Le lauréat reçoit 30.000 euros. Pierre Bergé en est à la fois le mécène et l'un des jurés. Cette liste a la particularité de mêler des essais et des romans. (...)

 

Les quinze livres sélectionnés :

 

● Alain Blottière, Comment Baptiste est mort (Gallimard)

● Catherine Cusset, L'autre qu'on adorait (Gallimard)

● Benoît Duteurtre, Livre pour adultes (Gallimard)

● Nicolas Idier, Nouvelle jeunesse (Gallimard)

● Ivan Jablonka, Laetitia ou la fin des hommes (Seuil)

● Alain Jaubert, La moustache d'Adolf Hitler et autres essais (Gallimard)

● Jacques Henric, Boxe (Seuil)

● Noël Herpe, Dissimulons ! (Plein Jour)

● Luc Lang, Au commencement du septième jour (Stock)

● Alain Mabanckou, Le monde est mon langage (Grasset)

● Laurent Mauvignier, Continuer (Minuit)

● Jean-Claude Milner, Relire la révolution (Verdier)

● Loïc Prigent, J'adore la mode mais c'est tout ce que je déteste (Grasset)

● Joann Sfar, Comment tu parles de ton père (Albin Michel)

● Emmanuel Venet, Marcher droit, tourner en rond (Verdier)

 

Le jury du prix Décembre, présidé cette année par Eric Neuhoff, se compose de Laure Adler, Pierre Bergé, Michel Crépu, Charles Dantzig, Cécile Guilbert, Patricia Martin, Eric Neuhoff, Dominique Noguez, Amélie Nothomb, Josyane Savigneau, Philippe Sollers et Arnaud Viviant. 

La prochaine sélection du prix Décembre 2016 aura lieu le 20 octobre, et la proclamation du lauréat le 7 novembre.

Canal +, 9 septembre 2016

Le Cercle

 

"On se demande parfois ce qu'est la littérature, ou si la littérature existe toujours aujourd'hui : ce petit livre, c'est deux heures de littérature pure."

Chronique d'Arthur Dreyfus, à voir ici (à partir de 3 min. 52 s.).

BibliObs, 5 septembre 2016

Noël Herpe, le turbo-prof qui aimait s'habiller en femme

par Jérôme Garcin

 

Dans Dissimulons !, l'écrivain cinéphile raconte une saison en enfer, sur un campus normand.

 

Lorsqu'il revenait de Caen, où il enseignait l'histoire du cinéma à l'université, il s'enfermait dans les toilettes du train qui le ramenait gare Saint-Lazare et en ressortait métamorphosé, style troubadour en collant, chaussé de santiags en guise de poulaines, pour l'unique plaisir de surprendre les voyageurs et, si possible, de choquer quelques collègues de la même fac.

Dans Dissimulons ! (11 euros), qui inaugurera avec éclat, le 15 septembre, la collection «Les Invraisemblables» aux Editions Plein Jour, l'écrivain et cinéphile Noël Herpe raconte la saison en enfer qu'il a passée sur ce campus normand, où sa culture donna des arguments à sa nature. (...)

A Caen, où Noël Herpe était détesté, « parce que parisien et homosexuel », il trouva en Romaric, voix de fausset et pantalon sale, un allié suicidaire dans sa guérilla contre l'establishment, un complice potache avec qui « faire éclater des pétards sous les jupes ». Et à Lisieux, il rencontra Guillaume, un prof de sport qui s'habillait en fille, se faisait appeler Gloria et, quitte à prendre un coup de griffe, aimait «caresser les moustaches du tigre».

En soixante-dix petites pages, claquantes comme des talons hauts et serrées comme des bas résille, Noël Herpe ajoute un chapitre poignant et drolatique à son Journal en ruines.

France Inter, 14 août 2016

Le Masque et la Plume

 

"Un petit bijou sur ce qu'on peut appeler la tragédie sociale : comment des êtres se retrouvent exclus par les autres, pour une raison qu'on ne connaît pas très bien. C'est absolument magnifique."

Coup de cœur d'Arnaud Viviant. À écouter ici (à partir de 52 min. 15 s.).

Littérature du réel, enquêtes, essais, histoire.

Liens amis

Version imprimable | Plan du site
© Éditions Plein Jour