Gaspard Delanoë

Autoportrait (remake)

récit

collection Les Invraisemblables

144 pages, 12,90 euros

5 janvier 2017

 

 

 

 

 

REVUE DE PRESSE

En attendant Nadeau, 12 avril 2017

Le vit est un songe

par Cécile Dutheil

 

Mon premier, Mise en pièces, est un récit de Nina Leger, doctorante en esthétique, un court roman pornographique en apparence, froid, plus ou moins étrange, et drôle, ce que l’on n’attendait pas. Mon second, Autoportrait (remake), est un collage autobiographique aussi drôle, voire hilarant, dont l’auteur est un artiste écrivant sous le pseudonyme de Gaspard Delanoë. Ces deux auteurs ont en commun d’appartenir au champ de l’art contemporain, de mettre en scène l’éphémère et de chalouper sur le fil ténu d’un humour fort intime.

 

(...) « Les hommes que je connais ne me racontent presque rien de leur vie sentimentale, tandis que certaines femmes peuvent me livrer jusqu’au détail le plus intime de leurs relations. » Qui parle ? Qui ose ainsi distinguer les genres ? Non plus Nina Leger, mais Gaspard Delanoë, de son vrai nom Frédéric Hébert, performeur qui a fondé plusieurs collectifs d’artistes et se moque de tout puisqu’il est allé jusqu’à se présenter à l’élection présidentielle de 2012. Héritier de dada, il vient de publier un autoportrait sous forme de phrases collées qui se lit avec un immense plaisir et le sourire aux lèvres de la première à la dernière page. Il est rare de rire, il est donc utile de signaler au lecteur ce petit ouvrage enlevé, subtil et sans trop de prétentions.

L’ouvrage commence pourtant sous un signe docte puisqu’il se réfère dès la première ligne à deux maîtres, Joe Brainard, auteur de I Remember, et son cousin français, Georges Perec, auteur de Je me souviens. L’écrivain passe alors à la notion d’appropriationnisme, un mouvement qui date des années 1970, réservé jusqu’ici au domaine de l’art, qui bouscule sciemment les idées de plagiat, de propriété artistique et d’auteur, revenant ce faisant à ce que les Anciens recommandaient, l’imitatio. Gaspard Delanoë, lui, en profite pour se faire petit et introduire un « je » dérisoire et comique, déclinant cent trente pages (d’un livre de petit format) sur sa vie, autrement dit une succession désordonnée et gratuite de phrases à la première personne : « J’entasse. J’ai parlé à Catherine Deneuve quand j’avais deux ans. […] Je porte des bretelles. Je suis pour le baisemain. […] Je me définis comme performeur, ce qui a l’avantage de vouloir à peu près tout et rien dire. […] J’ai des jugements assez tranchés sur la politique, moins sur l’économie ». Et ainsi de suite, pour notre plus grand bonheur, car l’auteur tient son pari, sait s’arrêter page 139, évite tous les écueils lyriques et narcissiques de l’autofiction, ne se vautre jamais dans le soi ni le moi, égrène le banal et la vie Monoprix avec allégresse, et navigue entre l’humour potache et les pieds de nez aux siens et aux valeurs consacrées par la mode et le marché. (...)

Gaspard Delanoë est doué, léger, malin, on lui en voudrait presque de ne pouvoir l’épingler car chaque énoncé, chaque proposition de cet autoportrait peut être cité(e) pour sa drôlerie, son absurdité, sa bêtise assumée, son néant ou, au contraire, son trop-plein de sens. « Je me laisse trop souvent couper la parole », dit-il. Le fait est qu’il se coupe la parole tout seul et sans cesse au fil de ces 139 pages.

Accusez-le de ne pas être le premier dadaïste, il vous rappellera le sous-titre de cet autoportrait : remake. Reprochez-lui ses facilités, il revendiquera son goût pour les faits surgis de rien. Pointez son orgueil caché, il vous opposera son autodérision. Critiquez un nihilisme de mise, il reconnaîtra, comme un enfant : « Le suicide est une idée qui m’est totalement étrangère. »

Il y a dans l’appréciation de cette sotie-autobiographie une dimension extrêmement subjective, personnelle, et « je » suis consciente que ce type d’humour en laissera certains indifférents. À mon tour alors d’avouer que je vois dans le livre de Gaspard Delanoë quelque chose de consolateur et de sucré tant il met en avant la futilité, l’inanité et la vanité des hommes.

Le Monde des livres, 7 avril 2017

Occupation des pages

par Amaury da Cunha

 

Gaspard Delanoë est un squatteur invétéré. Son nom - un pseudonyme - ne lui appartient pas : il l'a choisi en hommage à Gaspard de la nuit, d'Aloysius Bertrand (1842). Dans sa vie artistique, il milite en faveur de l'occupation des lieux : il a notamment transformé, à Paris, un immeuble en un squat devenu lieu d'art contemporain. Quand il écrit, même projet d'effraction. Autoportrait (remake) tient de l'appropriation littéraire. Édouard Levé (1965-2007) a en effet donné en 2005 un Autoportrait (POL) dans lequel il se livrait sans craindre de passer du coq à l'âne. Tenant de l'hommage, le texte de Gaspard Delanoë oscille entre la pudeur et l'humour. "Du fait que je considère la faculté de parler comme miraculeuse, j'ai tendance à surestimer le contenu des propos de mes interlocuteurs, qui est bien souvent affligeant." Pour Gaspard Delanoë, écrire semble être une activité aussi dérisoire qu'essentielle - son Autoportrait est un joli exercice d'équilibriste.

Transfuge, avril 2017

Déshabillage littéraire

Le squatteur

par Arnaud Viviant

 

Pour commencer, Gaspard Delanoë ne s'appelle pas Gaspard Delanoë. Ce qui ne l'a pas empêché d'être candidat aux élections municipales en 2008 à Paris avec pour slogan "Un autre Delanoë est possible". Il récidive cette année en se présentant en juin aux législatives dans la 19e circonscription de Paris, contre Jean-Christophe Cambadélis, avec la formule : "Combats Délis". (...)

La presse prend Gaspard pour un trublion. Voire. En fait, c'est un squatteur, utilisant la stratégie du coucou, l'oiseau qui pond ses œufs dans le nid des autres. En art, en politique comme en littérature, ainsi qu'on va le voir. "Au milieu des années 90, raconte Gaspard, je suis entré dans l'univers des squats d'artistes. Tout de suite, on m'a dit : il faut que tu changes de nom. Quand tu te fais expulser, les flics te gardent un jour ou deux en garde à vue, puis ils te relâchent. Ils n'ont pas de temps à perdre avec des gens comme nous, encore moins à rechercher ta véritable identité. Dans le milieu des squats, il y a quelqu'un de très connu qui se fait appeler le Suisse marocain. Personne ne connaît son nom. J'ai choisi Gaspard Delanoë en homme à Aloysius Bertrand et son Gaspard de la nuit." (...)

Dans Autoportrait, Gaspard Delanoë se dévoile : "J'ai écrit une bonne vingtaine de débuts de récits, qui sommeillent au fond de l'ordi." Et une phrase plus loin : "Les gens, pensant me faire plaisir, m'offrent des cahiers pour écrire, pour ma fête ou mon anniversaire." En bref, il n'arrive pas à écrire. (...) Comment écrire un livre, un vrai ? "Je n'arrivais pas à trouver la porte" me dit Gaspard. Le déclic s'est fait quand le metteur en scène Benoît Pradel m'a demandé de jouer Je me souviens de Georges Perec. J'ai alors découvert qu'il n'avait pas inventé le procédé mais l'avait emprunté à l'écrivain américain Joe Brainard. Pour ma part, cela faisait longtemps que je comptais Autoportrait d'Édouard Levé parmi mes dix livres préférés. Comme Je me souviens, c'est un livre matriciel. Ce que Perec avait fait à Joe Brainard, je pouvais donc le faire à Édouard Levé."

Autoportrait de Gaspard Delanoë est donc un remake d'Autoportrait d'Édouard Levé, artiste et photographe qui aura introduit la notion de dispositif, propre à l'art contemporain, en littérature. Il poussera le bouchon assez loin, puisque trois jours après avoir rendu le manuscrit de Suicide, l'un des plus beaux romans de ces vingt dernières années, à son éditeur (P.O.L), Édouard Levé mettra fin à ses jours. Dans son prologue à son livre, Gaspard Delanoë explique que cette stratégie du coucou a donné en art un véritable courant, l'appropriationnisme, dont l'artiste Elaine Sturtevant fut la principale figure de proue. J'ai eu la chance de la fréquenter durant ses dernières années à Paris. J'ai même l'honneur de figurer dans l'une de ses pièces en vidéo reprenant le dispositif de l'Abécédaire de Gilles Deleuze. À la grande époque, Warhol exposait-il à New York qu'Elaine Sturtevant allait voir son travail, puis le refaisait très vite de mémoire pour l'exposer le surlendemain dans une galerie toute proche. Pour cette grande lectrice de Spinoza et de Foucault, il s'agissait de mettre en question la notion d'auteur (et d'œuvre) sur un plan à la fois philosophique, politique, économique et paternaliste. La fameuse paternité de l'œuvre. (...)

Gaspard Delanoë n'a pas connu Édouard Levé, mais il connaît bien l'écrivain Thomas Clerc qui, lui, l'a bien connu. Et Thomas lui a raconté quelque chose de bien intéressant, à savoir que pour Autoportrait, Levé aurait pu s'inspirer du long questionnaire (près de 250 questions) que l'Église de Scientologie distribuait aux passants quand elle avait encore pignon sur rue en France. Comment avait-il inventé cette façon décousue de parler de soi ? Et comment peut-on reproduire le décousu absolu ? Explication de Gaspard : "Je suis allé très loin dans le mimétisme, j'ai suivi le modèle phrase après phrase. J'ai sucé la roue d'Édouard Levé. Alors que je pensais sortir des squats en écrivant, au fond je continue de squatter."

France Inter, 12 mars 2017

Le Masque et la Plume

par Jérôme Garcin

 

Coup de cœur d'Arnaud Viviant, à écouter ici (à partir de 49 min. 51 s.).

France Inter, 11 mars 2017

La Librairie francophone

par Emmanuel Khérad

 

"J'ai été très étonné par ce petit livre. Il y a une jouissance, on se régale. Je l'ai lu d'une traite. C'est fantastique. Il faut que tout le monde le lise."

Matthieu Colombe, librairie Goulard (Aix-en-Provence).

À écouter ici (20e min.).

Livres Hebdo, 27 février 2017

Onze titres en lice pour le prix de la page 112

par Claude Combet

 

Le jury, qui compte deux nouveaux membres et aura encore cette année son juré mystère, a dévoilé la  sélection 2017 du 5e prix, décerné le 29 mars après Livre Paris.

 

Onze titres composent cette année la sélection du prix de la page 112 :

Des âmes simples, de Pierre Adrian (Les Équateurs) 
La vie magnifique de Frank Dragon, de Stéphane Arfi (Grasset)
Face au Styx, de Dimitri Bortnikov (Rivages)
Autoportrait (remake), de Gaspard Delanoë (Plein Jour)
Les souhaits ridicules, de Pauline Klein (Allia)
Un peu tard dans la saison, de Jérôme Leroy (La Table Ronde)
Terreur, de Yann Moix (Grasset)
N’être personne, de Gaëlle Obiégly (Verticales)
Sauf riverains, d’Emmanuel Pagano (POL)
Sanglier, de Dominique Rameau (José Corti)
Le livre de la faim et de la soif, de Camille de Toledo (Gallimard)

Le 5e prix de la page 112, créé par Claire Debru et tirant son nom d’une réplique culte du film Hannah et ses sœurs de Woody Allen, sera décerné le 29 mars, après Livre Paris, au restaurant Roger la grenouille à Paris. Il est doté de 1 200 euros offerts par le groupe Charlois, partenaire pour la deuxième année, et récompense comme le veut le règlement, "un ouvrage littéraire paru en début d’hiver, dont la tension stylistique et romanesque est remarquable de la première à la dernière page".
Deux nouveaux membres, François Blistène et Paul Vacca, ont rejoint cette année le jury tandis que "l’opération juré mystère" est renouvelée : un membre du jury tiré au sort a pour mission d’amener un juré à la délibération finale, dont l'identité est dévoilée le soir de la remise du prix. Il siégera aux côtés de Marcel Bénabou, Lidia Breda, Claire Debru, Anne Goscinny, Brigitte Lannaud Levy, Nicolas d’Estienne d’Orves, François Tallandier, Bruno Tessarech et Guillaume Zorgbibe. (...)

Librairie Mollat, 23 janvier 2017

Le Vif/L'Express (Belgique), 13 janvier 2017

Autoportrait (remake)

par François Perrin

 

(...) Le plasticien et écrivain Édouard Levé, auteur il y a quelque dix ans d'un Autoportrait (POL) qui fit date, n'a jamais caché la vive influence qu'avait eue Georges Perec sur son travail. Précaire par vocation et candidat loufoque à plusieurs élections, l'artiste militant Gaspard Delanoë assume lui pleinement ce qu'il doit à Levé. Au point de lui avoir piqué son titre, dans une entreprise qu'il qualifie tranquillement d' "appropriationniste", et qu'il applique d'ailleurs depuis un bail, en bon artiste/squatteur, à divers bâtiments de l'espace public. Résultat : une délicieuse litanie centrée sur le "je", des phrases produites à la chaîne sans tentative de hiérarchisation ni d'apparent ordonnancement. Mais quasiment toutes réjouissantes, puisque l'auteur entremêle pépère souvenirs très personnels d'une enfance privée de père, émotions grivoises, préférences culinaires, considérations légères, puis retour au saisissement existentiel. Ou à l'évocation d'heures perdues. Ou à une condamnation des "hommes politiques qui se font faire des UV". Ça part dans tous les sens, ça s'inscrit frontalement en anti-"roman fleuve", et ça fait drôlement du bien, parfois.

Nova, 12 janvier 2017

Nova Book Box

par Richard Gaitet

 

Retrouvez ici Gaspard Delanoë en compagnie de Pascal Greggory et du groupe EZ3kiel.

France Culture, 3 janvier 2017

Ping Pong

par Mathilde Serrell et Martin Quenehen

 

"Gaspard Delanoë & Laurent Grasso : candidat littéraire et esthétique élyséenne", une émission à écouter ici.

Littérature du réel, enquêtes, essais, histoire.

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