Xavier Charpentier

 

6 OCTOBRE 1973

L'ÉTÉ INDIEN DES TRENTE GLORIEUSES

192 pages, 17 euros

16 octobre 2020

 

 

 

 

 

REVUE DE PRESSE

Mook Sept, octobre 2021

Une date qui marque

par Magali Rossi

 

Un circuit automobile, une voiture qui sort de route, et c’est le drame. Ce samedi 6 octobre 1973, sur le circuit américain de Watkins Glen, le pilote François Cevert perd la vie. Surnommé «Le prince», il avait 29 ans. Beau, doué, il laisse la France en deuil. De cet événement traumatique, Xavier Charpentier, âgé de 9 ans à l’époque, débute une exploration des années 1970 en plongeant dans ses souvenirs pour revivre ce qu’il nomme «l’été indien des Trente Glorieuses»: une page qui se tourne sur des années d’innocence. Ce même jour, un autre événement change la face du monde: les armées syrienne et égyptienne lancent leur offensive contre Israël ‒ la guerre du Kippour commence. Quelques semaines plus tard, l’embargo sur le pétrole enclenchera un processus que rien ne pourra arrêter: la crise. A la manière d’un entomologiste, Xavier Charpentier sélectionne dans la presse du 6 octobre 1973 des articles, entrefilets et événements qu’il épingle dans sa collection. Il les capture, avant de les observer soigneusement. Son écriture fonctionne comme une loupe qui grossit certains traits, fait apparaître des détails et permet, peu à peu, de tisser les liens intimes d’une expérience, d’une histoire dans l’Histoire. Car ce que Xavier Charpentier raconte, avant tout, c’est la manière dont lui-même a vécu ce 6 octobre 1973.

Classic Courses, 21 janvier 2021

6 octobre 1973. L'été indien des Trente Glorieuses

par Olivier Favre

 

En octobre dernier est paru un livre qui n'est pas consacré à la course automobile, mais qui en parle. Et qui en fait même son point de départ pour revenir sur une époque vieille de cinq décennies.

 

J’ai déjà eu l’occasion de dire sur ce site à quel point j’ai été et reste frappé par l’extraordinaire simultanéité de la mort de François Cevert avec la guerre du Kippour, cause directe du premier choc pétrolier qui a mis fin aux Trente Glorieuses. C’est pour moi l’exemple type d’une synchronicité, telle que le psychiatre suisse Carl Jung la définissait : la coïncidence temporelle de deux ou plusieurs événements, dont la relation ne relève pas de la causalité, mais d’une association par le sens.

Début décembre j’ai appris par hasard que je n’étais pas le seul. Xavier Charpentier a lui aussi été marqué par ce parallèle. Au point d’en faire un livre : 6 octobre 1973, l’été indien des Trente Glorieuses.

 

C'était l'automne, c'était un automne où il faisait beau.

 

Xavier Charpentier avait 9 ans en ce début d’automne 1973. Et, ainsi que débute le texte de la 4e de couverture, « Il est des dates qui marquent l’existence d’un enfant de 9 ans comme elles marquent celles de millions d’hommes et de femmes ».

C’est donc en tant qu’enfant qu’il a vécu la mort de François Cevert. Et c’est en partant d’un récit de l’accident fatal (pour autant qu’il puisse être raconté, en l’absence presque totale de témoins oculaires), qu’il entreprend une plongée spéléologique dans ces premières années 70 depuis longtemps enfuies. Alternant ses souvenirs d’enfant et les pépites récoltées dans la mine des archives de tous ordres (journaux, livres, émissions télé, films, …) de ces années-là, Xavier Charpentier raconte une fin. Celle de ces Trente Glorieuses qui s’achevaient sans en avoir conscience. Comme il l’écrit, il a voulu comprendre « à quoi ressemble un jour qui a l’air comme les autres, alors qu’il est un dernier jour ? ».

 

Avec François Cevert en filigrane de l’ouvrage, au fil des pages l’auteur mélange des considérations  tantôt ironiques sur des publicités de l’époque, tantôt poignantes sur le courrier du cœur du magazine Elle. Il s’étonne des annonces au mot de Nice-Matin, insère des brèves et faits divers d’époque sans commentaires. Il évoque aussi ses propres souvenirs d’enfant découvrant le tout neuf aéroport de Roissy avec sa mère ou le trou des Halles avec son père. Et la guerre du Kippour bien sûr, ce point de bascule entre deux ères.

 

Aujourd'hui, je suis très loin de ce matin d'automne.

 

Avec en fond sonore Aladdin Sane et Dark side of the moon, on y croise pêle-mêle Fernand Raynaud qui se tue avec sa Rolls huit jours avant Cevert. Georges Pompidou qui ne saurait s’exonérer d’une visite au Salon de l’auto. Jean Royer, ministre en guerre contre les hypermarchés. Jacques Mesrine qui s’évade encore. Nina Rindt et son chronomètre à Monza. Et Patrick Modiano, Gisèle Halimi, Pierre Messmer, Jacques Chancel, Julien Clerc, Céleste Albaret (normal pour un livre à la recherche d’une époque perdue), Rabbi Jacob et Danielle Cravenne…

 

En cette fin des Trente Glorieuses, on donnait des petits noms poétiques aux autoroutes par voie de consultation publique. Consultation organisée par un Ministère de l’aménagement du territoire. Il est remplacé aujourd’hui par un Ministère de la cohésion des territoires (au pluriel). Le choix des mots n’est pas innocent, l’auteur le remarque fort justement.

A cette époque on parlait encore d’expansion, « ce mot magique pour dire la croissance et tout ce qui va avec, le progrès, le bien-être, la liberté de prospérer, les désirs assouvis, le confort, l’ascension sociale, les projets qu’on s’autorise parce qu’on sait qu’on pourra les réaliser. » Le Club de Rome avait bien sorti en 1972 un premier avertissement, le rapport Meadows sur les limites à la croissance. Mais qui s’en souciait réellement ?

A cette époque on s’extasiait devant la Citroën SM, son style avant-gardiste et son moteur Maserati, promesse de vitesse luxueuse. Y compris dans Okapi. Imagine-t-on aujourd’hui un dossier spécial sur un modèle ou une marque automobile dans un illustré pour la jeunesse ? D’ailleurs, même le mot « illustré » est désuet…

A cette époque les adultes croyaient encore que leurs enfants vivraient mieux qu’eux-mêmes. Aujourd’hui, c’est la collapsologie qui a le vent en poupe.

 

Il y a un an, il y a un siècle, il y a une éternité.

 

Lisez ce livre, si vous voulez vous remémorer ces années 1970-73 qui furent les quatre dernières des Trente Glorieuses. « Les dernières avant que tout ralentisse, et que tout se complique et se mette à peser ». Des années qui s’éloignent de plus en plus dans le rétro, à mesure que disparaissent leurs figures emblématiques. Giscard, Pierre Cardin, Guy Bedos, Michel Piccoli, Claude Brasseur, Robert Herbin, Christophe, Ennio Morricone, Sean Connery… le millésime 2020 a fait sa moisson de DNF bien au-delà du monde de l’automobile. Encore quelques années et il n’y aura plus personne pour se souvenir de cet été indien.

Le Figaro Magazine, 18 décembre 2020

Je me souviens

par Christian Authier

 

Nous sommes le 6 octobre 1973 : François Cevert, jeune pilote français de F1 se tue lors des essais du Grand Prix des États-Unis sur le circuit de Watkins Glen. Le même jour débute la guerre du Kippour. Suivront bientôt le premier choc pétrolier et une crise qui dure encore. Xavier Charpentier avait 9 ans lors de cette journée faussement ordinaire. Aujourd'hui, il se souvient de son enfance, de ses parents. Plonge dans des émissions de télévision, des films, des journaux jusqu'à lire les courriers du coeur. Au gré d'un récit sensible en Super 8, il mène l'enquête, ouvre délicatement des cadenas rouillés, traque les signes avant-coureurs de la fin des Trente Glorieuses comme la destruction des Halles de Paris. [...]

Xavier Charpentier "fait défiler la mémoire comme on fait défiler le paysage au volant d'une SM à moteur Maserati". Et c'est magnifique.

L'Alsace, 13 décembre 2020

Comme un goût de poussière

par Jacques Lindecker

 

Le 6 octobre 1973, François Cevert, le Prince de la Formule 1, meurt dans le crash de sa voiture. Le même jour débute la guerre du Kippour. Deux événements qui pour Xavier Charpentier marquent la fin d’une époque, la fin d’une certaine insouciance.

 

Évidemment, on rit encore pour des bêtises. Évidemment, on danse encore sur des accords qu’on aimait tant. Mais plus comme avant. Il y a depuis comme un goût de poussière en tout. D’après Xavier Charpentier, nos existences auraient basculé le 6 octobre 1973, le jour terrible où, à la fois, le jeune prince de la Formule 1, la beauté, la séduction et le talent réunis, Fran- çois Cevert, se tue à l’âge de 29 ans sur le circuit de Watkins Glen aux États-Unis, et où les armées syrienne et égyptienne lancent leur offensive contre Israël, le début de la guerre du Kippour. Les Trente Glorieuses viennent de s’achever, mais bien sûr personne encore ne s’en rend compte.

[...]

Attention, Xavier Charpentier n’offre pas une rengaine nostalgique sur l’air du « c’était mieux avant. » L’actualité récente nous montre que le monde d’après 1973 vaut aussi et largement la peine d’être vécu. La disparition de Valéry Giscard d’Estaing a ainsi per- mis de rappeler que la condition des femmes a fait un sacré bond en avant depuis 1974. Romain Grosjean a survécu à son crash terrifiant durant le Grand Prix de Bahreïn il y a quelques semaines grâce à sa capsule de survie, une innovation dont ne disposait pas, hélas, François Cevert en 1973.

 

Ils l’avaient rêvé

L’ambition mesurée et très joliment racontée de Xavier Charpentier, c’est de nous faire comprendre, comment c’était, ce temps où l’insouciance n’était pas suspecte. De passer en revue les promesses de ces années « qui ne deman- daient qu’à être le prolongement enchanté des Swinging Sixties », qui annonçaient « le meilleur et le pire de ce que nous sommes désormais, [...] ce qu’ils avaient rêvé et qu’on n’a pas accompli. » Des années d’expansion économique, ce « mot magique pour dire la croissance et tout ce qui va avec, le progrès, le bien-être, la liberté de prospérer, les désirs assouvis, le confort, l’ascension sociale, les projets qu’on s’autorise parce qu’on sait qu’on pourra les réaliser. » [...] Les autoroutes commençaient à mailler le territoire. Même Brigitte Bardot, certes boudeuse, visitait le Salon de l’auto. Le funeste trou des Halles se creusait. On écoutait Dark Side of The Moon des Pink Floyd ou Aladdin Sane de David Bowie.

Danielle Cravenne, l’épouse du fondateur des César du cinéma, prenait le 18 octobre en otage les passagers d’un vol Paris-Nice pour protester contre la sortie, le jour même, du film Rabbi Jacob, sortie qu’elle jugeait inopportune en pleine guerre du Kippour (le GIPN prendra l’avion d’assaut, elle en mourra). Car, oui, cette guerre éclair, si lointaine en apparence, secouait également la société française. Et ses conséquences durables : l’embargo sur le pétrole entraînera le quadruplement du prix de l’essence. Un monde se terminait, un autre venait de naître : le nôtre.

Le Monde, 10 décembre 2020

Les « trente glorieuses » en pole position

par Alain Beuve-Méry

 

Dans 6 octobre 1973. L’été indien des trente glorieuses, Xavier Charpentier revient sur des événements marquants de cette année-là, et décrit avec films, témoignages et articles de presse à l’appui, le basculement progressif dans une nouvelle époque.

 

L'actualité récente vient de percuter le livre de Xavier Charpentier : le 29 novembre, le pilote de F1 Romain Grosjean a ainsi frôlé la mort lors d’un terrible accident survenu sur le Grand Prix de Barheïn. Le 2 dé­cembre, Valéry Giscard d’Estaing, le dernier président des « trente glorieuses », s’est, quant à lui, éteint. Sa présidence, marquée par les deux chocs pétroliers de 1973 et 1979, signe le basculement pro­gressif dans une nouvelle époque.

Mais tout cela est justement ra­conté à partir d’un autre événe­ment central pour l’auteur, âgé de 9 ans à l’époque : la mort de Fran­çois Cevert, survenue le 6 octo­bre 1973, sur le circuit de Watkins Glen, lors des essais qualificatifs du Grand Prix des Etats­-Unis. [...]

Charpentier a traqué toutes les émissions, films, témoignages, épluché tant la presse nationale que locale autour de cette date. Le résultat est étincelant. De cette plongée intime et sociologique re­monte à la surface un prodigieux livre d’histoire immédiate.

 

Le prisme des Grands Prix

A quarante­-sept ans d’écart, les al­lers­-retours que le lecteur ne peut s’empêcher de faire avec la pé­riode actuelle donnent le vertige. Le monde de ce 6 octobre 1973 dé­crit par l’entomologiste est encore nourri d’espoirs, même si couvent déjà les crises et catastrophes à ve­nir. Par le prisme des Grands Prix, il évoque toute l’actualité. La guerre du Kippour qui oppose Is­raël aux troupes syriennes et égyptiennes débute ce jour­-là. L’ombre de Salvador Allende, le président chilien assassiné le 11 septembre, plane évidemment.

Symbole de la modernité triom­phante, le chantier de l’aéroport Charles­-de­Gaulle est sur le point de sortir de terre. Bientôt l’Hexa­gone, excepté Paris, va se couvrir d’un tapis de grandes surfaces, grâce à la loi Royer, qui fait le bonheur de nouvelles enseignes com­merciales. La publicité succède à la réclame. Les lessiviers lancent « Super Croix 1973 » rebaptisé en hâte en « Super Croix 1976 », début d’un cycle sans fin.

La France pompidolienne dé­ rite avec maestria par Claude Sau­tet dans ses films, celle des Choses de la vie à Vincent, François, Paul et les autres, sorti le 20 octobre 1974, est alors à son firmament.

Les Grands Prix, la voiture, le pé­trole incarnent la vitesse, la mo­dernité, la croissance. Et les pro­messes d’un avenir toujours plus radieux. [...]

L'Équipe, 6 décembre 2020

Génération Cevert

par Vincent Hubé

 

Xavier Charpentier avait 9 ans quand François Cevert s’est tué lors des es- sais du GP de F1 de Watkins Glen (USA), le 6 octobre 1973. Le même jour, la Syrie et l’Égypte attaquaient Israël, déclenchant la guerre du Kippour, bientôt synonyme d’embargo pétrolier puis de crise économique mondiale. Un bascument raconté dans ce petit li- vre brillant.

Télérama, 26 novembre 2020

L'été indien des Trente Glorieuses

par Stéphane Ehles

 

6 octobre 1973. En France, un célèbre pilote de F1 meurt, tandis que la guerre du Kippour commence. La formidable exploration d’une année charnière.

 

Il est des dates où tout semble basculer. Le samedi 6 octobre 1973, le pilote français de Formule 1 François Cevert se tue, à 29 ans, lors des essais du Grand Prix des États-Unis, sur le circuit de Watkins Glen. Un mythe, ce François Cevert. On le surnomme le Prince. Sa grâce naturelle, ses longs cheveux noirs abondants et ébouriffés, son sourire ravageur, son allure de jeune seigneur et ses yeux bleus profonds comme l’océan en font une sorte d’icône de la perfection masculine version seventies. On le voyait champion du monde l’année suivante, on le photographiait aux côtés de Brigitte Bardot et il avait déjà eu droit à sa Radioscopie par Jacques Chancel. Le même 6 octobre, jour du Yom Kippour, les armées syrienne et égyptienne attaquent simultanément sur le plateau du Golan et dans le Sinaï les territoires occupés par Israël depuis 1967 — la guerre du Kippour commence.

Xavier Charpentier, âgé de 9 ans cette année-là, se penche sur « un de ces jours, un de ces moments que la plupart des gens s’obstinent à considérer comme ordinaires [...], jusqu’à ce qu’on ne puisse plus faire autrement que de comprendre qu’ils ont tout changé ». S’ouvre alors un livre formidable, inclassable, qui explore au plus profond cette année-bascule, exhumant de petits faits ou de grands événements relatés dans les journaux, faisant remonter des souvenirs personnels ou revivre la France des années Pompidou, celle de Vincent, François, Paul et les autres et de Rabbi

Jacob, celle des Citroën SM et du papier peint en paille japonaise. On y voit le syndicat FEN dénoncer (déjà) la « politique de dégradation de l’Éducation nationale » [...]. Touche par touche, Xavier Charpentier nous donne à contempler la fin des Trente Glorieuses, l’époque de l’expansion infinie, et à percevoir « ce qui annonçait le meilleur et le pire de ce que nous sommes désormais, ce qu’on aurait dû voir et qu’on n’a pas compris ». Le tout sous le regard charmant d’un Prince.

Public Sénat, 20 novembre 2020

Livres & Vous

par Guillaume Erner

 

La pluralité des mémoires : à regarder ici à partir de 23'45''.

Émile Magazine, novembre 2020

6 cotobre 1973. L'été indien des Trente Glorieuses

 

Samedi 6 octobre 1973. Xavier Charpentier n’avait que 9 ans mais s’en souvient encore. Alors passionné d’automobile comme une majorité de Français des Trente Glorieuses, c’est avec une profonde tristesse qu’il apprend la mort de François Cevert, surdoué de course automobile, tué sur le circuit de Watkins Glen aux États-Unis. Le même jour, le monde observe une nouvelle guerre émerger, la Guerre du Kippour. L’auteur prend pour point de départ ces deux événements et nous replonge dans son enfance conjuguant les faits d’actualité entendus à la radio, lus dans la presse, avec les souvenirs de famille, les goûts musicaux de l’époque ou encore les personnalités phares de la France de 1973. 6 octobre 1973, l’été indien des Trente Glorieuses est une immersion totale, un voyage dans le temps, la (re)découverte originale d’une époque mouvementée. 

L'Express, 5 novembre 2020

6 octobre 1973. L'été indien des Trente Glorieuses

par Jérôme Dupuis

 

Le téléscopage des dates est étrange : le 6 octobre 1973, un jeune pilote de Formule 1 adulé des Français, François Cevert, se tue pendant les essais du Grand Prix de Watkins Glen, aux États-Unis ; le même jour, les armées syrienne et égyptienne attaquent Israël, lançant la guerre de Kippour, prélude à la crise pétrolière et, dans son sillage, à la fin des Trente Glorieuses. À partir de ces deux évènements, Xavier Charpentier se livre à un exercice inspiré de relecture des seventies. [...] Remontent à la surface des souvenirs de Mannix et de Pierre Mesmer, de Fernand Raynaud et d'Okapi, de Pink Floyd et de Pinochet, de Rabbi Jacob et de Paul Morand, avec des haltes, comme Vincent, François, Paul... et les autres, le chef-d'oeuvre de Claude Sautet qui a si bien décrit ces cadres fumeurs invétérés dans leurs résidences secondaires.

Au fond, François Cevert [...] n'est qu'une porte d'entrée vers cette période que l'on dit insouciante vue de 2020, oubliant qu'obtenir le téléphone pouvait prendre des années et que la moitié de l'Europe subissait le joug du Grand Frère soviétique. Mêlant souvenirs personnels et analyses sociologiques, Xavier Charpentier évite l'écueil du kitsch pour restituer avec talent l'époque dans tout sa complexité. C'est bien simple, tout au long de la lecture, on a l'impression d'avoir le générique flûté de Radioscopie dans l'oreille...

LH Le Mag, octobre 2020

Le Prince et la guerre

par Olivier Mony

 

Xavier Charpentier enquête sur la fin d'un monde à travers la mort  d'un jeune pilote de course français et le début de la huerre du Kippour, le 6 octobre 1973.

 

C’était le 6 octobre 1973, en fin de matinée, heure locale, sur le circuit automobile de Watkins Glen (État de New York). Le jeune pilote français François Cevert, surnommé « Le Prince », trouvait la mort dans des circonstances particulièrement violentes. Pour beaucoup de Français, charmés par sa beauté, sa douceur, ses dons au volant qui en auraient sans doute fait le premier champion du monde français de Formule 1, ce fut un choc. Pour de nombreux petits garçons, comme le jeune Xavier Charpentier, 9 ans, quelque chose comme un premier chagrin.

Le même jour, à 14 heures locales, les armées syriennes et égyptiennes lancent contre Israël une offensive sur- prise dans le Golan et le Sinaï. La guerre du Kippour vient de commencer. S’en- suivront l’embargo sur le pétrole, plus tard le quadruplement du prix de l’es- sence. C’est le début de la crise (vocable qui ne s’est jamais éteint depuis) et la fin des Trente Glorieuses.
Alors que ces deux faits semblent ne pas avoir de rapport, Xavier Charpentier révèle leurs liens avec sensibilité et une infinie intelligence dans cet essai qui est aussi le plus personnel des récits. Car ce qui a cessé ce jour-là avec la mort d’un homme comme avec le début d’une guerre, c’est à jamais la croyance que « l’avenir dure longtemps », comme le disait Althusser, et que la bagnole, la belle bagnole surtout, serait le véhicule éternel. Charpentier explore les signes qui furent ceux de ces années-là, un peu oubliées aujourd’hui, 1970, 1971, 1972 et 1973. Ce moment où un pilote de course pouvait représenter pour chacun et chacune comme un idéal érotique du moi. Et comment la mort qui régnait alors sur les circuits y contribuait grandement. Il cite d’autres champions tombés au champ d’honneur des courses : Jochen Rindt, Roger Wil- liamson, Peter Revson... Dans le même temps, il se souvient de Pompidou et de sa Porsche, de la Citroën SM Maserati, du Salon de l’auto (où Cevert traîna un jour une Bardot boudeuse...), de l’incroyable épisode de la prise d’otages d’un avion par Danielle Cravenne (la femme du fondateur des César) qui voulait protester contre la sortie de Rabbi Jacob qu’elle jugeait inopportun, en pleine guerre du Kippour... Il fouine dans les journaux d’époque, les publicités jaunies, les faits divers oubliés, épluche les éditoriaux qui promettent un futur toujours radieux, réécoute la voix de Jacques Chancel, et c’est ainsi que pour les enfants des baby-boomers, « elle est retrouvée [...], l’éternité ». Celle que nous avaient fait perdre un prince défunt et une guerre.

Littérature du réel, enquêtes, essais, histoire.

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