Précision
Sybille Grimbert et Florent Georgesco, directeurs de Plein Jour, la maison d’édition qui a publié en octobre 2013 l’essai d’Aymeric Patricot, Les Petits Blancs, tiennent à signaler que la lecture faite par Eric Zemmour de cet ouvrage (Le Figaro du 5 décembre 2013), reprise dans le portrait du polémiste publié dans Le Monde daté 9-10 octobre, « travestit » gravement la pensée de M. Patricot. « Tout l’objet de son travail intellectuel est, précisément, de rendre possible une analyse objective et équilibrée, loin de la radicalisation dont M. Zemmour est le symbole, des crises identitaires qui traversent notre société. »
(...) Aymeric Patricot en donnant la parole à "ces gueules cassées de la misère" met le doigt sur un sujet tabou. Son but n'est pas de stigmatiser ni de donner matière aux politiques extrémistes
mais celui d'alerter. En analysant ce phénomène, il y apporte des réponses.
Un essai indispensable qui interpelle !
"Petits Blancs" contre bobos, la nouvelle lutte des classes ?
propos recueillis par Alexandre Devecchio
Débat. A l'occasion de la sortie de La République bobo, un essai original et enlevé de Thomas Legrand, nous avons confronté sa vision à celle d'Aymeric Patricot, auteur il y a quelques semaines d'un livre qui a fait mouche, Les Petits Blancs.
Thomas Legrand est éditorialiste politique à France Inter. Il habite dans une surface atypique au coeur d'un quartier mixte aux portes de Paris.
Aymeric Patricot est un écrivain français. Il nourrit son oeuvre de son expérience de professeur en banlieue difficile. A priori, il ne brunche pas rue Montorgueil…
Vos deux livres, «la République bobo» et les «petits Blancs» qui sortent à quelques semaines d'intervalle, décrivent deux visages de la France très différents et semblent se répondre. Mais qui sont vraiment «ces petits Blancs» et «ces bobos» que vous dépeignez? Comment les définiriez-vous?
Aymeric Patricot : Les « petits Blancs» sont des Blancs pauvres qui prennent conscience de leur couleur dans un contexte de métissage. Il y a 10 ou 20 ans, ils ne se posaient pas la question de leur appartenance ethnique car ils habitaient dans des quartiers où ils étaient majoritaires. Ce n'est plus forcément le cas aujourd'hui. Certains votent à l'extrême gauche, d'autres basculent à l'extrême droite. Mais ce qui définit les petits Blancs politiquement, c'est souvent l'abstention. La plupart d'entre eux ne se sentent plus appartenir au «système» et expriment parfois de la rancœur à l'égard des minorités ethniques, par lesquelles ils se sentent menacés. Cependant, leur principale source de ressentiment reste dirigée contre les bobos qu'ils accusent d'exprimer du mépris de classe à leur égard. A tort ou à raison, les petits Blancs ont le sentiment qu'ils sont regardés comme des «beaufs» par les bobos. Il y a aussi une fracture d'ordre raciale: le petit Blanc est celui qui n'a pas les moyens de quitter les quartiers très métissés et qui souffre du métissage alors que le bobo peut vivre dans des quartiers populaires, mais a des stratégies d'évitement face aux situations les plus critiques.
Voyage dans la France des "Petits Blancs"
par Antoine d'Abbundo
Dans un livre décapant et dérangeant, Aymeric Patricot appelle à regarder en face et à entendre la souffrance d'une population socialement fragilisée, oubliée des politiques et méprisée des médias.
Il a le sourire bienveillant et le propos clair et carré du professeur dont on rêve pour ses enfants. Cela tombe bien, Aymeric Patricot, surdiplômé de 38 ans, est enseignant, agrégé de lettres. Ses galons de "hussard" de l'Education nationale, il les a gagnés après dix ans passés dans les collèges et lycées de ZEP, en région parisienne. La Courneuve, Orly, Ivry, Drancy : un voyage dans les quartiers dits sensibles de la République, qui lui a inspiré le thème de son dernier opus, au titre qui fait grincer des dents : Les Petits Blancs. Une provocation qu'il assume parce qu'elle s'imposait. (...)
Au fil des pages, on croise ainsi Fabrice, jeune paysan du pays de Caux, sur le plateau haut-normand, coincé entre la fierté de son métier et l'impression d'être pris pour « un bouseux fin de race », on rencontre Paul, ancien fonctionnaire devenu SDF, « celui qu'on ne sait plus où mettre » dans les centres d'accueil saturés, on écoute, glacé, Estelle, jeune prof vacataire à Amiens, déverser sans retenue sa haine des Noirs et des Arabes, jusqu'à vouloir quitter la France, « ce pays foutu », on compatit au sort de Bertrand, gardien dans une HLM du XIXe arrondissement parisien qui n'en peut plus d'encaisser sans broncher les insultes anti-Blanc des adolescents du quartier. (...)
Son voyage dans la France d'en bas dessine ainsi en creux un pays socialement fragilisé, oublié des élites et méprisé des médias. Une France invisible et sans voix qu'il est urgent de regarder en face et dont il faut écouter la détresse si l'on veut éviter qu'elle bascule dans la haine de soi et la haine de l'autre.
Le malaise de la France des « petits Blancs »
propos recueillis par Meddy Mensah
Sorti le mois dernier, le livre d'Aymeric Patricot Les Petits Blancs (Plein Jour) s'inscrit dans cette nouvelle approche intellectuelle qui entend porter un autre regard sur des pauvres longtemps oubliés. Dans son livre, ce diplômé d'HEC, de l'EHESS, agrégé de lettres et professeur en banlieue parisienne, s'intéresse à la double peine souvent ressentie par les « petits Blancs », méprisés des élites et se sentant parfois étrangers dans leur propre pays. Afin de mieux comprendre la portée de ses recherches, Aymeric Patricot a bien voulu répondre aux questions du Figaro.
LE FIGARO. - Que vous inspire le succès en librairie des livres sur la question de l'identité et sur l'histoire de France ?
Aymeric PATRICOT. - Ils me paraissent traduire une certaine inquiétude. Certes, l'« identité de la France » n'est pas chose figée. Mais on la présente aujourd'hui comme un simple réceptacle à d'autres cultures, d'autres populations. Sans doute faudrait-il trouver un juste milieu entre sa dimension universelle, ouverte, et le fait qu'elle présente une épaisseur, celle de l'histoire, celle des régions, celle des « territoires ». Il est dommage qu'en France les deux extrêmes se regardent en chien de faïence sans parvenir à dialoguer.
Le malaise des « petits Blancs »
par Thomas Mahler
Ils sont des « visages pâles » en banlieue, des ex-ouvriers d'Hénin-Beaumont ou des paysans moqués par l'émission « Strip-Tease ». Aux Etats-Unis, on les désignerait par le terme white trash. En France, dans une République qui aime se fantasmer comme indivisble, le sujet demeure tabou. Dans sa passionnante enquête Les Petits Blancs, l'écrivain Aymeric Patricot ose esquisser le portrait d'une « communauté qu'on ne nomme jamais » : les Blancs pauvres prenant conscience de leur couleur dans un contexte de métissage. « On a des scrupules à dire qu'une personne est blanche, alors même qu'il est admis qu'il existe des minorités ethniques », s'étonne-t-il. Ce diplômé de l'EHESS est ainsi parti à la rencontre d'une France d'en bas estampillée « beauf » et « dégénérée ». (...)
En mettant des mots sur les maux des « petits Blancs », l'écrivain fait le pari que dissiper les malaises autour des questions raciales est le meilleur remède au racisme. A l'image de Barack Obama qui, dans son célèbre discours « De la race en Amérique », expliqua comprendre la rancoeur des classes moyennes et pauvres blanches.
Troubles de l'identité
par Jérôme Dupuis
(...) Il est un autre auteur, plus discret, que cite également Alain Finkielkraut (dans L'Identité malheureuse, autre sujet de l'article, NDLR) : Aymeric Patricot. Hasard éditorial, ce jeune agrégé de lettres publie ces jours-ci une enquête passionnante sur les « petits Blancs », ces Français déclassés vivant dans les territoires perdus de la République, angle mort de notre sociologie politique. Sur un ton toujours très juste, Patricot dresse ce portrait d'une France frappée par le chômage, l'obésité et la rancoeur. Un tableau qui fait étrangement écho à l'un des passages les plus controversés de l'ouvrage de Finkielkraut : « Les autochtones n'ont pas bougé, mais tout a changé autour d'eux. Ont-ils peur de l'étranger ? Se ferment-ils à l'autre ? Non, ils se sentent devenir étrangers sur leur propre sol. »
Grandes réflexions sur des petits Blancs
On connaît la sentence de Camus : « Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde. » Une exigence particulièrement nécessaire dans le cas des enquêtes portant sur les sujets sensibles des rapports sociaux. Rien de plus vomitif que la langue pleine de clichés d'un Rioufol ou d'un Zemmour qui perdent toute crédibilité avec une surenchère verbale et catastrophiste. (...) Mais dans le même temps, les écrivains et autres artistes plein de bons sentiments qui encensent la pauvreté par mauvaise conscience de leur propre situation sont aussi ridicules et desservent la cause qu'ils défendent. Patricot, lui, dépeint la violence sociale et morale sans pathos ni mensonge enjoué.
Le livre est un OVNI scientifique. Ni édito libre, ni véritable étude sociologique, il se présente comme un recueil de fragments de vies, de vies brisées ou amères de ne pas être ce qu'elles pourraient être. (...) Il est évidemment accusé par les belles âmes de faire le jeu du Front National (cette expression...) et par les purs de chez purs de dévier le problème social qui, seul, explique tous les maux. Je ne me situe dans aucune de ces catégories. Je ne comprends pas les détracteurs d'un livre à la force tranquille, aussi douce que le sujet est âpre.
Patricot raconte des gueules cassées, humiliées parfois, mais pas haineuse. Personne n'appelle au meurtre des noirs et des arabes, mais hurle le fait de ne jamais être entendu. Les témoignages ruraux sont parmi les plus émouvants. Les jeunes ne sortent pas car il n'y a rien, pas d'offre culturelle ou de programme spéciaux quand il y en a beaucoup dans les quartiers populaires. (...)
On referme le livre en ayant envie d'écraser un parpaing sur le prochain politique qui vient vanter le « vivre-ensemble » en méprisant toute une culture populaire traditionnelle, celle de ces petits blancs à qui personne ne parle et qui se sentent humiliés. L'une des personnes qui a bien voulu répondre à Patricot dit cela aussi. Elle n'a plus de haine, mais veut aller en Australie. Là où on ne la jugera pas. Merci à ce livre d'avoir donné la parole à ceux que personne n'écoute, mais qui disent si bien le besoin d'égalité réelle.
Ne tirez pas sur le « petit Blanc »
par Aude Lancelin
(Marianne)
(...) Le « petit Blanc », équivalent du white trash américain popularisé par le rappeur Eminem, c'est le Blanc pauvre de La Courneuve, relégué socialement et isolé ethniquement.
C'est aussi la femme seule de la banlieue d'Amiens qui hait les « putes blondasses qui se font sauter par des Nègres ». C'est le vieux garçon qui n'ose pas mettre les pieds au
Havre, aussi bien dans le centre bourgeois que dans les HLM métissés, où il redoute les mêmes regards moqueurs. Le romancier Aymeric Patricot, 39 ans, est allé à leur rencontre et en a tiré un livre
: Les Petits Blancs. Un voyage dans la France d'en bas (Plein Jour).
A ces « gueules cassées de la misère », il a posé toutes les questions qui ne se posent pas. Image de soi, perceptions raciales, fantasmes sexuels, envie sociale, rêves enfuis. Il l'a fait et il
a eu raison de le faire, car peu d'études permettent à ce point de sortir de la terrible bataille rangée des clichés en train de se mettre en place dans le pays. (...)
« Aymeric Patricot fait œuvre utile, il met des paroles sur un fantasme et par là même il le dégonfle. Tous les politiques devraient lire son livre. » Sébastien Le Fol consacre sa chronique des « Matins » de France Culture aux Petits Blancs.
Chronique reprise dans l'éditorial de Sébastien Le Fol sur le site du Point.
Dix bonnes raisons de ne pas lire Les Petits Blancs
par Aymeric Patricot
pour le Salon littéraire
A l'occasion de la parution de son voyage étonnant auprès des Petits Blancs, un voyage dans la France d'en bas, Aymeric Patricot donne dix bonnes raisons de ne pas lire son texte.
Qui sont les petits Blancs ?
par Stanislas Kraland
(une du Huffington Post)
(...) Les petits Blancs, ce sont autant de visages que de situations. Ce qui les rassemble? Le fait d'être désignés ou de se ressentir en tant que blanc et pauvre, que ce soit dans leur regard ou dans celui des autres.
Le petit Blanc, c'est par exemple ce jeune blanc qui en traite un autre, plus aisé, de "sale blanc" rejetant ainsi sur lui le mépris qu'il ressent. C'est aussi cet adolescent de banlieue, ce "visage pâle" qui, "vivant d'expédients, fragilisé socialement, se découvre aussi pauvre que ces minorités qu'on dit occuper le bas de l'échelle. C'est encore cet ouvrier au chômage qui évoque autant sa "fêlure" que les "délires racistes" de sa tante.
Les petits blancs, ce sont également ce paysan pauvre moqué dans Striptease, cette enseignante vacataire qui a basculé dans la haine, mais aussi cet étudiant fatigué noyé dans sa rancoeur qui dit travailler "beaucoup pour pas grand chose" et qui a "le coeur serré quand il voit "tous ces gens que le système aide alors qu'ils lui crachent dessus."
Autant de mots parfois violents, cruels et lourds, que l'auteur a choisi de regarder en face.
Un propos politique? Aymeric Patricot refuse toute récupération et préfère parler de réalité. "S'il existe une spécificité de l'expérience de populations récemment immigrées, victimes de discriminations, de difficultés économiques et culturelles, alors il existe, mécaniquement, une spécificité de l'expérience de populations paupérisées et non récemment émigrées."
On ne naît pas blanc, on le devient, pourrait-on dire. L'auteur raconte en avoir d'ailleurs fait l'expérience, Aymeric Patricot s'étant lui-même "découvert blanc", lorsqu'il est devenu professeur de lettres en banlieue parisienne.
"On ne peut pas accepter l'immigration sans accepter qu'il y ait des regards croisés," explique-t-il au HuffPost. En d'autres termes, il faut assumer les mots. "Sur le terrain, ceux que j'ai rencontré se disent 'petits blancs'. Il y a une spontanéité du langage chez les plus pauvres ou chez les jeunes que l'on ne retrouve pas dans les médias."
À l'heure où certaines personnalités politiques agitent opportunément le spectre d'un "racisme anti-blanc", Aymeric Patricot entend davantage témoigner de la richesse de ces regards, au-delà de la haine et du ressentiment. (...)
Politiques, syndicats, médias... Qui comprend encore les "vrais gens" ?
Les oubliés de la France métissée
par Sean J. Rose
(...) Si, en France, la référence à la couleur de la peau peut choquer le bien-pensant (...), elle traduit une réalité tout à fait concrète sur le terrain – la racialisation d'une société dont a oublié les défavorisés caucasiens, qui forment à présent une classe de personnes éjectées du système. Aymeric Patricot a fait ce « voyage dans la France d'en bas ». Son livre, Les Petits Blancs, est un des premiers titres de la nouvelle maison d'édition Plein Jour consacrée aux « documents littéraires ».
Dans le portrait de ce sous-prolétariat, le cynisme le dispute au sarcasme. Des émissions de reportage comme « Strip-tease » montrent des paysans ou des ouvriers en déshérence de manière ambiguë. (...) Surpris hors micro, en marge d'un discours, le candidat du Front de gauche à la présidentielle lâche : « Je ne peux pas survivre quand il n'y a que des blonds aux yeux bleus. » On imagine le tollé si un politicien avait dit ça d'un autre groupe ethnique... L'auteur d'Autoportrait du professeur en territoire difficile (Gallimard, 2011) injecte de l'humanité dans ces caricatures rapides de ces oubliés de la France métisse. (...)